La tenue, au son des canons en juin 2024, des élections européennes devrait selon Louis Gautier être saisie par tous pour que la question de la défense européenne soit enfin démocratiquement débattue.
Les élections européennes auront lieu dans quatre mois. Elles ne suscitent guère d’intérêt et sonnent déjà comme une défaite pour la démocratie. Le mode de scrutin par listes nationales élude ce qui fait le sel et la valeur d’un vote : la désignation de responsables et le choix d’un programme. Ces élections se voient ravalées au rang de test du mécontentement social et de la montée du populisme.
Alors que de nouveaux élargissements sont envisagés et que les défis à relever dans le futur sont de portée historique, l’Union est une Ofni, une organisation aux finalités non identifiées. Or, dans le vortex stratégique mondial, face aux enjeux et périls, les grandes réponses ne se trouvent pas dans les capitales qui ne pratiquent plus que des soins d’urgence et des sauvegardes de dernier recours, mais à Bruxelles.
Tous les grands défis technologiques, environnementaux, industriels, agricoles, énergétiques et surtout de défense requièrent des solutions collectives.
2024 et 2025 sont à cet égard des années critiques. En pleine guerre d’Ukraine, exposée à un changement d’administration à Washington, face à de multiples crises à gérer, l’UE a besoin d’un directoire affermi et uni, pas d’un trio désaccordé, n’en déplaise à Charles Michel, Ursula von der Leyen et Josep Borell.
Une ligne de fermeté
Il serait urgent de désigner un responsable politique spécifiquement chargé du chantier de la défense européenne et des crédits croissants qui lui sont affectés. C’est la seule façon de piloter vraiment la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), sans perdre de temps à ressusciter les ambitions mortes nées, le premier des buts serait de garantir la fourniture d’armes à l’Ukraine.
Les schémas complexes de coopérations militaires et industrielles censés faire progressivement émerger une culture stratégique commune sont désormais supplantés par le besoin immédiat de faire face. L’Europe n’est pas en guerre, mais le front ukrainien est le sien.
Aux plans politique et militaire, il faut opposer à Vladimir Poutine une ligne de fermeté sur laquelle il se casse les dents et qui le dissuadera demain de recommencer. La conversion de l’économie russe en économie de guerre est durable comme le plan de Moscou de domestiquer son étranger proche et d’entraver les Européens.
Si l’on veut redonner un jour la parole à la paix, il faut être fort, d’autant plus fort que les États-Unis sont impliqués ailleurs et que l’élection de Donald Trump menace. Dans ces circonstances, les capacités industrielles de l’Europe doivent être mobilisées à hauteur de l’effort pratiqué par la Russie pour armer ses forces dans le Donbass.
Les initiatives d’ores et déjà prises dans le domaine des munitions vont dans le bon sens. Elles ne sont toutefois pas à la hauteur. Les fournitures d’armes à l’Ukraine pâtissent d’être à la fois insuffisantes et dispersées. Cette inadéquation démontre combien il est urgent de mettre en place une véritable politique de production et d’achat d’équipements militaires en commun.
Une élection au son du canon
Derrière la priorité munitionnaire de court terme, l’argent européen devrait en outre assurer l’avenir de la base industrielle et technologique de défense et l’autonomie des approvisionnements militaires de l’Union. Or, de façon paradoxale, la guerre d’Ukraine est venue contrarier le financement de programmes européens structurants, poussant à la fragmentation des commandes d’armement des États membres et à des importations massives de matériels de guerre, en particulier américains.
Aujourd’hui dédiés à la R&D et sous-dotés, les fonds européens consacrés à la défense devraient, comme le suggère Thierry Breton avec une enveloppe de 100 milliards d’euros, financer l’industrialisation, voire l’acquisition d’équipements développés en commun.
La tenue, au son des canons, en juin 2024 des élections européennes devrait être saisie par tous pour que la question de la défense européenne soit enfin démocratiquement débattue. Sinon, pour paraphraser le poème de Constantin Cavafy : « A quoi bon faire des élections à présent ? Ce sont les Barbares qui bientôt feront les lois. »