
On y teste matériels et procédés. La robotisation du champ de bataille s’accélère avec l’essor irrésistible de l’IA et le recours aux technologies duales. La capacité des sociétés à faire bloc dans l’adversité, à mobiliser en leur sein forces morales, compétences humaines et moyens économiques en cas d’agression se trouve également mise à l’épreuve.
Avec l’élection de Trump, America is back. Certainement pas dans le sens espéré par les Européens. Les conflits d’Ukraine, de Gaza et du Liban risquent de connaître des évolutions fâcheuses. Annonciateurs de jours plus sombres, ils sont nos guerres d’Espagne. D’ores et déjà, plusieurs leçons peuvent en être tirées.
Louis Gautier
Dans les guerres contemporaines, l’effort à produire est d’abord civil avant d’être militaire. La conflictualité prompte à s’exprimer dans notre monde dérégulé s’affirme avant tout dans les domaines de l’information et des communications, du traitement des données et du numérique.
Dans ces dimensions, les manœuvres qui précèdent l’emploi de la force avant de l’accompagner constituent des actions de longue main visant à ébranler la cohésion de la société et à miner ses dispositifs de sécurité. La guerre commence ainsi longtemps avant de franchir le seuil de la militarisation des opérations.
L’affaire des bipeurs du Hezbollah est, à cet égard, un exemple sommaire mais parlant. Certes la guerre d’Ukraine n’a pas généré le cyber Pearl Harbor redouté. Il ne se passe cependant pas une semaine sans qu’un sabotage informatique ne soit perpétré sur les infrastructures de ce pays ou ne vise, ailleurs en Europe, un site militaire ou industriel, une société ou un organisme soutenant l’effort d’armement de l’Ukraine. Une autre étape a été franchie récemment avec l’envoi de colis piégés provoquant, comme au Royaume Uni ou en Allemagne, des incendies dans des entrepôts ou un aéroport.
Avec le retour de la guerre en Europe, les conditions dans lesquelles les citoyens et les forces vives de la nation participent à l’effort de défense et de sécurité nationale redevient un sujet. Certains États, comme la Suède, devant la menace russe, n’ont d’ailleurs pas hésité à rétablir une forme de conscription. L’Allemagne s’apprête à suivre. En France, le Service national universel (SNU), mal aimé de l’Éducation nationale et des Armées, loin d’apparaître une solution est devenu un problème, et même à en croire la Cour des comptes un coûteux problème de 5 milliards d’euros. Les parlementaires dans leur quête d’économie proposent donc sa suppression. Même si le SNU soulève des critiques, qui peut nier pourtant, que pour parer les coups portés contre notre société démocratique via le terrorisme, les attaques cyber et la désinformation ou faire face à de plus grands risques dont les catastrophes naturelles font partie, les citoyens, individuellement et collectivement, doivent être davantage les acteurs de leur propre sécurité ? Comment dès lors les y préparer ?
Notre pays, comme le montre notre incapacité à livrer des armes à l’Ukraine, faute d’un répertoire et d’un cadre de mobilisation industrielle, serait en grande difficulté pour basculer dans une véritable économie de guerre. Il le serait aussi pour remédier aux effets d’une attaque cyber massive. La coopération avec le secteur civil, en particulier avec les opérateurs et pourvoyeurs d’accès, est devenue cruciale dans la conduite même des missions des armées. Comment l’organiser au niveau national et européen ?
Nos armées, en opération ou sur le territoire national, devraient donc être en mesure de solliciter plus efficacement, si nécessaire, les moyens et les technologies civils du privé. Tout cela suppose, en amont d’un possible coup dur, qu’un recensement des ressources utiles, un travail de programmation et d’encadrement de leur mobilisation ait été méthodiquement entrepris et les conditions de cette mobilisation définies.
En quelque sorte il s’agirait d’ouvrir quand il est temps un chantier du type de celui qui avait présidé à la rédaction de la loi sur l’organisation de la nation en temps de guerre. Celle-ci préparée au début la guerre d’Espagne fut promulguée en juillet 1938, c’est-à-dire trop tard pour produire de pleins effets en 1940.