Guerre Israël-Hamas : Gaza et la bombe

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Les armes nucléaires s’invitent désormais dans les conflits régionaux. Comme en Ukraine ou à Gaza, elles attisent la crainte d’un passage à l’acte. Il est urgent estime Louis Gautier de retrouver des disciplines et des mesures de confiance entre puissances nucléaires.

Bombe nucléaire, une arme dans les conflits régionaux

Dans un monde en plein dérèglement, la dissuasion nucléaire reste-t-elle l’« ultima ratio » [le dernier argument] ? Conserve-t-elle son efficacité, non pour empêcher la guerre, comme on l’entend parfois, mais pour interdire son escalade aux extrêmes ?

Provoquée par les attentats du Hamas en territoire israélien, la guerre de Gaza est examinée sous bien des angles, mais peu sous ce questionnement.

Il est vrai que l’opération Glaive de fer vient à la suite d’autres conflits contre le terrorisme, et, quoique plus massive, s’inscrit dans la continuité des trois interventions de Tsahal dans la bande de Gaza depuis 2006. Sauf que par rapport à ces précédents, la donne a complètement changé. L’environnement d’Israël est plus dégradé, l’Occident est sur le reculoir, le contexte stratégique mondial est gravement perturbé.

Aussi, la guerre de Gaza n’ouvre-t-elle pas seulement un nouveau chapitre dans la longue histoire du conflit israélo-palestinien. Elle porte en elle, selon que les actions militaires trouvent ou non un débouché, au mieux une révision de l’équation régionale, et, au pire, un risque pour la paix mondiale.

L’Iran souffle sur les braises

Les pays voisins d’Israël, la Syrie, l’Irak, le Liban qui, hier, faisaient tampon, sont aujourd’hui dans un état de déliquescence avancé, en proie aux menées déstabilisatrices de Téhéran. L’antagonisme entre Israël et l’Iran se traduit sans relâche par des actions clandestines, des frappes non revendiquées ou des attaques cyber.

Depuis le déclenchement du conflit, l’Iran souffle sur les braises en multipliant les actes hostiles du Hezbollah ou des forces houthies mais pour l’instant retient les coups. Comme l’intérêt d’Israël n’est pas d’ouvrir plusieurs fronts, la situation peut paraître, malgré tout, sous contrôle. Néanmoins, la fébrilité est maximale, et pour cause…

A la suite d’un propos d’Ehud Olmert en 2006, plus personne n’ignore en effet qu’Israël dispose de l’arme atomique. Encore en gestation il y a dix ans, le potentiel nucléaire iranien est aujourd’hui en cours de finalisation.

C’est pour éviter que la guerre de Gaza ne dégénère, au risque de déboucher sur une épreuve de force entre Israël et l’Iran que les États-Unis sont à ce point impliqués. En déployant de façon dissuasive deux groupes aéronavals sur zone, ils ont signifié aux uns et aux autres des limites à ne pas dépasser. La situation confirme que nous sommes bel et bien entrés de plain-pied dans un nouvel âge du nucléaire.

Impatronisé par Poutine et ses gesticulations concernant l’Ukraine, ce troisième âge nucléaire est particulièrement instable. Au temps de la guerre froide, la dissuasion constitua, de fait, un verrou efficace. Ensuite, de 1991 à 2021, aucun conflit, si long et violent soit-il, ne fut jamais envisagé dans une perspective nucléaire.

La guerre d’Ukraine, premier conflit encapsulé dans la menace nucléaire depuis la fin de la guerre froide et celle de Gaza, premier conflit où un État nucléaire en garantit militairement un autre, montrent que les armes nucléaires se voient désormais réassigner un rôle dans la gestion des crises.

Nucléaire : un troisième âge instable

Cette évolution n’est pas inopinée dans un contexte à la fois marqué par la banalisation du recours à la force et la prolifération. Elle est préoccupante, car plus le nombre de puissances nucléaires s’accroît, moins la dissuasion est gérable. Il y a trop de monde à la table de poker.

En outre, la diversification des scénarios d’emploi qu’autorisent les performances et la convergence technologiques des nouveaux vecteurs fragilise de plus en plus la dissuasion en estompant la frontière entre nucléaire et conventionnel. Concomitamment, enfin, la plupart des traités de désarmement ont été invalidés, toutes les discussions en ce domaine sont paralysées.

Seuls subsistent, ultime corde de rappel, les cadres de concertation du P3 (Etats-Unis, France, Royaume-Uni) et P5 (avec la Chine et la Russie), mais sans autre agenda que de court terme et en cas de crise aiguë.

Les armes nucléaires s’invitent désormais dans les conflits régionaux

Comme en Ukraine ou à Gaza, elles attisent la crainte d’un passage à l’acte. Plus que jamais, il est urgent de retrouver des disciplines et des mesures de confiance entre puissances nucléaires.

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